1950 CYCLISME FEMININ ET RECORDS
 
     
Le 28 juin 1948, Daniel Di Meglio, un bônois, battait le record de France des 24 heures sur piste. Bouclant 1397 tours, soit une distance de 698,500 km, il pulvérisait par la même occasion le record d'Afrique du Nord qu'il détenait depuis 1937.
Cette exceptionnelle performance n'eut pourtant pas le retentissement mérité.
Il en fut tout autrement quelques mois plus tard lorsque Christiane de Stampa établit le record d'A.F.N. féminin de l'heure.
Cette débutante, encouragée par un mécène du sport cycliste, monsieur MEDJEBRI, avait échoué, à cause d'un vent très violent, lors de sa première tentative. La seconde fut la bonne : le 22 octobre 1949 nul souffle n'agitait les grands arbres du Jardin d'Essai, voisins de la piste municipale du vélodrome d'Alger, et
 
 
Stade vélodrome d'Alger
   
 
la blonde pédaleuses réalisa 33,825 km dans l'heure, en présence des « officiels » indispensables à l'homologation : 3 commissaires de piste et un chronométreur.
Ce véritable exploit représente, de nos jours encore, le record d'Algérie car au plan nord-africain, il fut battu par mademoiselle ALBERTINI: 34,326 km sur la piste d'ANFA à Casablanca. Améliorée par l'oranaise Rodriguez le 30 juillet 1953 : 34,400 km la performance ne fut pas homologuée par la Fédération.
Madame de STAMPA, fervente apôtre du sport cycliste, qui présida plus tard le Vélo Club de Birmandreis, fut à l'origine d'un engouement immédiat et prometteur. Quatre clubs algérois développèrent aussitôt une section féminine: l'UCA (Union Cycliste Algéroise), le VSA (Vélo Sport Algérois), l'OHD (Olympique d'Hussein Dey) et le S.C.E.B. (Sport Cycliste Enfantin de Belcourt) et, dès 1950, seize épreuves réservées aux dames se déroulèrent dans le Département d'Alger. Ces « Grands Prix » d'ATTATBA, de BOU-HAROUN, d'AIN TAYA, de CHERCHEL, « Trophées » de BERARD, LA MADRAGUE, KOLEA, ou « CRITERIUMS » de SIDI FERRUCH, AFFREVILLE ou BOUFARIK... se disputèrent sur des distances d'une cinquantaine de kilomètres. Les lauréates furent : Elvire ALEMANY (9 victoires), Gisèle DORIA (4), Christiane de STAMPA (2) et Suzanne ROSE (1 victoire).
Il y eut autant d'épreuves l'année suivante avec à l'occasion du Trophée DESGRANGES, course « contre la montre », une grande première: la présence au départ d'une concurrente musulmane. Cette très honorable troisième place.
En dépit du dévouement et des efforts de nombreux bénévoles, comme Emmanuel de STAMPA, l'époux de Christiane, l'essor soudain du cyclisme féminin ne put se confirmer. Sept courses furent organisées en 1952 et seulement 5 l'année suivante puis les événements survinrent...
 
     
 
Nous ajouterons à cette rapide évocation que le record féminin des 50 kilomètres sur piste pour l'Afrique du Nord reste « l'apanage » de Georgette MARTINEZ originaire d'Oran.
Piqués au vif par la flamme de ces énergiques sportives, les « rois de la pédale » ne tardèrent pas à se manifester. Ils furent pris d'une crise de « recordite » initiée, attisée, par le fabricant de tabacs JOBERT et les espèces sonnantes et trébuchantes promises par le « Ruban Job ».
Pour créer l'émulation, qui eut la piste du Hamma pour théâtre, le manufacturier des fameuses « SPRINT » et « FLORE DU BRESIL » avait fixé un seuil: plus de 40 kilomètres à parcourir dans l'heure. Cette performance accomplie rapportait quotidiennement 3000 francs... jusqu'à ce que la distance soir améliorée par un autre candidat. Ce nouveau « recordman » remportait le « Ruban » primé par 10.000 francs, et que la rente de 3000 francs venait augmenter chaque jour.
 
 

Madame de STAMPA
   
         
 
En septembre 1949, le pr emi er à s' élancer, Gérard GUERCY, le « bachelier pédalant », s'adjugea le « ruban » en dépassant de 20 mètres le minimum imposé. En piste la semaine suivante, le sociétaire du S.C.U.E.B., Edmond LLORCA, ne put faire mieux que 39,300 km. Ce fut alors le tour d'Abdelkader ZAAF, le « puisatier de CHEBLI », qui, ayant eu la bonne idée de produire son effort pendant la fraîcheur matinale, réussit à parcourir 42,592 km. Cette « énorme » performance, digne des meilleurs professionnels européens, lui permit de battre le record d'Algérie. Il découragea aussi tous ses rivaux et put, en plus de la prime, toucher la rente quotidienne jusqu'à la fin du mois d'octobre. Marcel ZELASCO, Ahmed KEBAÏLI, s'estimant peu préparés, renoncèrent.
L'année 1950, relança le « Ruban JOB ». Edmond LLORCA vit son opiniâtreté récompensée en accomplissant 40,628 km mais sa joie fut de courte durée. Deux jours plus tard ZAAF faisait mieux : 41,052 km.
 
 
Il n'avait pas fini de s'éponger ce jour-là que le grand guyotvillois Vincent SOLER, dit le « Sloughi », entrait en piste. Une heure plus tard, il ravissait son bien au bouillant Abd el Kader : 41,121 km. Furax, le « Casseur de Baraques », autre surnom de ZAAF, se présenta le lendemain sur la piste du Stade Vel' municipal. Le « Coach » du R.U.A., Lucien JASSERON, ayant retardé l'entraînement de ses footballeurs, ZAAF put encore rouler « à la fraîche » et reprendre le « ruban » : 42,020 km.
Le 18 septembre SOLER améliora sa précédente performance: 41,815 km mais c'était encore insuffisant. LLORCA échoua également. Mais quid de ZELASCO, LAUZE, KEBAÏLI, MOLINES, de VELOTTI, le meilleur pistard d'Algérie et de tous les autres...?
On sait que l'effort solitaire n'autorisait pas la moindre faiblesse. Tous hésitèrent avant de renoncer et ce fut encore le vaillant ZAAF qui prit la piste le 23 octobre, Epuisé par une longue saison de courses, handicapé par les rafales d'un vent violent il renonça après 15 kilomètres.
Le « Ruban JOB » avait vécu. Il ne fut pas reconduit. La performance réalisée par ZAAF en 1949, reste, de nos jours, le record du département d'Alger.
     
  John FRANKLIN (A suivre)
Bibliographie (Au C.D.H.A.)
Archives Jacques Dorr : Le Sport en Algérie
Archives E. LLORCA : Le Cyclisme Algérois (1919-1962)
 
     
     
 


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